Les Bataillons de Chars de Combat (BCC)

 

Très loin des prétentions bétonnées de la fortification Maginot, l'Armée française, qui n'était pas aussi "immobile" que certains auteurs le prétendront si facilement après la guerre, était dotée d'un très grand nombre de chars. Parfois de très bonne qualité, ces engins aux performances diverses (mais pas forcément plus mauvaises que celles de la plupart des Panzers) voyaient cependant leur force relativisée par une très regrétable doctrine d'emploi remontant à la Grande Guerre de 14-18: le char avait alors pour objectif l'appui de l'infanterie.

En 1940, les deux tiers des chars français ne sont pas rassemblés en divisions alors que les Allemands ont "endivisionné" la totalité des leurs. Les chars sont donc éparpillés en une trentaine de "Bataillons de Chars de Combat" (BCC) indépendants, rattachés directement aux différentes Armées du front. Malgré le courage souvent suicidaire de leurs équipages, les attaques des BCC - réduits à leurs seuls feux, sans soutien d'aucune autre arme- échoueront sous les coups des canons antichars allemands.

Au 10 mai 1940, la France dispose cependant de trois "Divisions Cuirassées" (DCr) dites "de Réserve", constituées depuis le début de l'année 1940 seulement et donc en plein rodage, mais rassemblant chacune quatre BCC et des unités d'appui (un régiment d'artillerie, un bataillon de Chasseurs portés, des compagnies de Génie...) sous un commandement unique. Deux bataillons par division concentrent alors les seuls chars lourds B1bis, l'engin le imposant de l'époque (32 tonnes contre environ 10t pour les chars Renault R35). Au combat cependant, ces grandes unités se dissoudront avant leur emploi: blindés ventilés auprès d'autres unités, attaques locales improvisées, défaillances totales de la logistique et du ravitaillement en essence, manque total de coopération inter-armes etc.

La 4e DCr, constituée entre le 15 et le 25 mai 1940 avec du matériel pour ainsi dire neuf mais avec un personnel encore moins expérimenté que celui des trois autres divisions, sera montré comme exemple à la Nation pour les vigoureuses contre-attaques dirigées contre l'ennemi par son chef, le bouillant colonel De Gaulle, présenté comme le plus grand visionnaire de la stratégie blindée française. Cependant, malgré le caractère enthousiasmant de ces contre-attaques, elles furent menées de façon tragiques et les unités utilisées sans réelles actions combinées.

En règle générale, les BCC des DCr seront utilisés de la même façon que les BCC classiques. Leur destin sera le même face aux canons antichars allemands.

Char de combat B1bis

***

 

Les BCC, regroupés en divisions (DCR) ou le cas échéant (administrativement) en Groupements de Bataillons de Chars (GBC) directement rattachés aux Armées, sont organisés suivant un schéma dépendant du type de chars attribué au bataillon. Les BCC rattachés aux DCR sont regroupés par deux en Demi Brigades (DB).

 

En règle générale, les BCC équipés du char Renault R35 comptent 45 chars répartis en trois compagnies de quatre sections de 3 chars chacune, plus un char par chef de compagnie et un char pour le chef de bataillon, et enfin 5 chars détenus à la compagnie d'échelon. Les bataillons équipés d'autres types de chars légers modernes (Hotchkiss H35, H39, Renault R40, FCM36) sont constitués sur le même modèle:

Bataillon de chars légers modernes
Nombre de chars
chef de bataillon
1
1ère compagnie
13
2e compagnie
13
3e compagnie
13
Compagnie d'Echelon (chars de remplacement)
5
Total:
45

 

Les BCC anciens encore équipés du char Renault FT17 datant de la Grande Guerre comptent 63 chars organisés en trois compagnies de quatres sections de 4 chars, plus un char par chef de compagnie et un char pour le chef de bataillon, et 11 chars détenus à la compagnie d'Echelon (les bataillons affectés en outre-mer comptent 45 chars seulement, organisés sur le schéma des BCC modernes).

Bataillon de chars légers FT17 en métropole
Nombre de chars
chef de bataillon
1
1ère compagnie
17
2e compagnie
17
3e compagnie
17
Compagnie d'Echelon (chars de remplacement)
11
Total:
63

 

Enfin, les BCC "lourds" équipés de chars B1bis attribués aux DCr, comptent 34 chars chacun, organisés en trois compagnies de trois sections de 3 chars, un char par chef de compagnie et un char pour le chef de bataillon, alors que 3 chars sont attribués à la compagnie d'Echelon.

Bataillon de chars de bataille B1bis
Nombre de chars
chef de bataillon
1
1ère compagnie
10
2e compagnie
10
3e compagnie
10
Compagnie d'Echelon (chars de remplacement)
3
Total:
34

 

Les excellents chars de combat SOMUA S35 ne sont pas incorporés dans notre étude sur les BCC car ils dépendaient de la cavalerie, qui les avait endivisionnés (aux côtés de chars Hotchkiss H35 et H39) dans ses trois Divisions Légères Mécaniques (DLM) engagées en Hollande (1ère DLM) et en Belgique (2e et 3e DLM). La 4e DLM, à l'étude mais dont les éléments ne seront jamais rassemblés, sera à l'origine de la création d'une "unité de marche" rassemblant difficilement l'effectif d'une demi-division: le Groupement de Langle de Cary qui combattra en Métropole pour tenter de redresser la situation de nos armes. Ces S35 n'étaient pas regroupés en BCC mais en Régiments de cavalerie (Cuirassiers, Dragons...)

Char de cavalerie SOMUA S.35

Char de cavalerie SOMUA S.35

 

 

Organisation des Bataillons de Chars de Combat le 10 mai 1940 :

Sigle:
Description:
BCC
Bataillon de Chars de Combat
DB
Demi Brigade de chars lourds ou légers, rattachée aux DCR
DCr
Division Cuirassée (de Réserve)
GA1
Groupe d'Armée numéro 1 - regroupant les 7e, 1ère, 9e et 2e Armées françaises et le Corps Expéditionnaire britannique (BEF) sur les frontières belge et luxembourgeoises
GBC
Groupement de Bataillons de Chars - regroupant administrativement de 1 à 4 BCC rattachés aux Armées
GC1
Groupement Cuirassé numéro 1 - regroupant administrativement les 2e et 3e DCR
Formation
Unité en formation

 

 

1) BCC en Métropole

Bataillon
Type de char
Commandant
Grande Unité de rattachement
Secteur d'Armée
1er BCC
R35
Warabiot
GBC 501
5e Armée
2e BCC
R35
François
GBC 503 - 4 DCr
2e Armée
3e BCC
R35
Poudroux
2e Armée
4e BCC
FCM36
De Saint Sernin
GBC 503
2e Armée
5e BCC
R35
Godderis
GBC 511
3e Armée
6e BCC
R35
Jan
GBC 518
9e Armée
7e BCC
FCM36
Giordani
GBC 503
2e Armée
8e BCC
B1bis
Girier
2 DCr (2e DB)
GC1
9e BCC
R35
Gautier
GBC 510
7e Armée
10e BCC
R35
Aussenac
GBC 504
4e Armée
11e BCC
FT17
Brun
GBC 504
4e Armée
12e BCC
R35
Sauts
GBC 512
3e Armée
13e BCC
H35
Lemerre
GBC 513
1ère Armée
14e BCC
H39
Cornic
2 DCr (4e DB)
GC1
15e BCC
B1bis
Bourguin
2 DCr (2e DB)
GC1
16e BCC
R35
Bellanger
GBC 506
8e Armée
17e BCC
R35
Cazalbou
GBC 506
8e Armée
18e BCC
FT18
Rayel
GBC 506
8e Armée
19e BCC
D2
Aymé
GBC 517 - 4 DCr
5e Armée
20e BCC
R35
Mille
GBC 502
4e Armée
21e BCC
R35
Caillies
GBC 508
5e Armée
22e BCC
R35
Sergent
GBC 510
7e Armée
23e BCC
R35
Prevot
GBC 520
3e Armée
24e BCC
R35
Delatour
GBC 502 - 4 DCr
4e Armée
25e BCC
H39
Pruvost
1 DCr (3e DB)
GA1**
26e BCC
H39
Bonnot
1 DCr (3e DB)
GA1
27e BCC
H39
Aubert
2 DCr (4e DB)
GC1
28e BCC
B1bis
Pinot
1 DCr (1ère DB)
GA1
29e BCC
FT17
Bernier
GBC 513
3e Armée
30e BCC
FT17
Vallangeon
GBC 520
3e Armée
31e BCC
FT17
Lemoine
GBC 501
5e Armée
32e BCC
R35
Degisors
GBC 518
9e Armée
33e BCC
FT17
Mahe
GBC 518
9e Armée
34e BCC
R35
Aleyrangues
GBC 508
5e Armée
35e BCC
R35
Regaine
GBC 515
1ère Armée
36e BCC
FT17
Rousselot
GBC 506
8e Armée
37e BCC
B1bis
Courtot de Cissey
1 DCr (1ère DB)
GA1
38e BCC
H35
Chevrel
GBC 519
1ère Armée
39e BCC
R35
Pennec
GBC 519
1ère Armée
40e BCC
R40 et R35
2e DCr
Formation
41e BCC
B1bis
Malagutti
3 DCr (5e DB)
GC1
42e BCC
H39
Bezanger
3 DCr (7e DB)
GC1
43e BCC
R35
Delacommune
GBC 532
3e Armée
44e BCC
R35
Libmann
4 DCr (8e DB)
Formation
45e BCC
H39
Préclaire
3 DCr (7e DB)
GC1
46e BCC
B1bis
Bescond
4 DCr (6e DB)
Formation
47e BCC
B1bis
4 DCr (6e DB)
Formation
48e BCC
R40 et R35
Formation
49e BCC
B1bis
Vivet
3 DCr (5e DB)
GC1
BCTC *
FT17
Charles
GBC 514
Alpes
51e BCC
FCM2C
Fournet
GBC 513
3e Armée

* Bataillon de Chars des Troupes Coloniales

** La 1ère DCr était placée en réserve du GA1 - qui la destinait à un renforcement initial de la 1ère Armée. Devant la gravité de la situation, elle a été finalement employée au profit de la 9e Armée, principale victime de l'attaque allemande le 13 mai 1940 dans les Ardennes.

 

2) BCC en outre-mer

Bataillon
Type de char
Commandant
Grande Unité de rattachement
Secteur d'Armée
61e BCC
D1
Des Rieux
GBC 521
Tunisie
62e BCC
R35 et FT17*
GBC 522
Maroc
63e BCC
R35
Levant
64e BCC
FT17
XIX CA
Algérie
65e BCC
D1
Charre
GBC 521
Tunisie
66e BCC
FT17
GBC 522
Maroc
67e BCC
D1
Valleteau
GBC 521
Tunisie
68e BCC
R35
Levant

* Bataillon mixte comprenant deux compagnies de chars R35 et une compagnie de FT17.

 

Char léger Renault FT17 - la couleur de l'As peint à l'arrière définit la compagnie

 

Compagnies Autonomes de Chars de Combat

Compagnie Autonome*
Type de char
Grande Unité de rattachement
342e CACC
H39
345e CACC
D2
4 DCR (6e DB)
346e CACC
D2
350e CACC
D2
351e CACC
H39
1/42 CACC
H39
1 DLCh (Norvège)

*CACC connues. Un grand nombre ont été constituées au cours des combats (série 300), avec des blindés récupérés dans les dépots ou tout juste sortis d'usine, et qui n'ont pas pu être livrés à une grande unité existante du fait des combats. Ces CACC de dernière minute ne tenaient pas forcément de journal de marche, d'où le flou absolu...

 

Sections Régionales de Chars :

- chars FT17 rattachées aux Régiments Régionaux de secteurs -

Régiment Régional
Secteur
Nombre de chars FT17 attribués
12e RRP
NORD: Lille, Roubaix Tourcoing, Armentière
4 sections (16 chars)
28e RRG
SOMME: Amiens, Abbeville, Albert
2 sections (8 chars)
31e RR
SEINE INFERIEURE: Rouen, Le Havre
2 sections (8 chars)
41e RR
SARTHE: Le Mans, Laval, Flers, Mamers
2 sections (8 chars)
51e RRI
LOIRET: Orléans, Montargis
1 section (4 chars)
53e RR
CHER: Vierzon, Bourges, Sancerre
2 sections (8 chars)
68e RR
MOSELLE: Metz
2 sections (8 chars)
77e RR
DOUBS: Besançon, Pontarlier
2 sections (8 chars)
81e RR
COTE d'OR: Dijon, Beaune, Montbard
2 sections (8 chars)
91e RR
INDRE et LOIRE: Tours MAINEetLOIRE: Angers
1 section (4 chars)
92e RR
HAUTE VIENNE: Limoges INDRE: Châteauroux
3 sections (12 chars)
111e RR
LOIRE INFERIEURE: Nantes, Saint Nazaire
1 section (4 chars)
131e RR
LOIRE: Saint Etienne, Roanne, Le Puy
3 sections (12 chars)
132e RR
PUY de DOME: Clermont Ferrand
1 section (4 chars)
142e RR
RHONE: Lyon, Bourgoin, Villefranche
3 sections (12 chars)
143e RR
ISERE: Grenoble, Chambaran
1 section (4 chars)
157e RRP
Marseille
2 sections (8 chars)
158e RR
ALPES MARITIMES: Nice, Juan les Pains, Villefranche
1 section (4 chars)
162e RR
HERAULT: Montpellier, Béziers
1 section (4 chars)
171e RR
HAUTE GARONNE: Toulouse ARIEGE: Saint Girons
2 sections (8 chars)
201e RRP
MOSELLE: Morhange, Château Salins (201e BARP)
2 sections (8 chars)
203e RRP
MEURTHE et MOSELLE: Nancy, Toul - MOSELLE: Château Salins, Sarrebourg
1 section (4 chars)
206e RRP
BAS RHIN: Molsheim, Brumath, Barr, Schirmeck
1 section (4 chars)
216e RR
SEINE et MARNE: Meaux, Fontainebleau, Montereau
2 section (8 chars)
514e RRP
NORD: Valenciennes, Douai
4 sections (16 chars)

Il ne faut pas oublier les sections de chars FT17 attribués à l'Armée de l'Air, afin de défendre les aérodromes et les différentes bases aériennes. Il est cependant difficile de dresser un tableau de ces unités. D'autres chars FT déclassés ont été livrés aux unités renforçant la ligne Maginot: ils seront enterrés et serviront d'observatoires ou de poste de mitrailleuses (tourelle mitrailleuse).

Tourelle mitrailleuse de char FT17 utilisées sur une position fortifiée. Elle est exposée devant le PO du Bambesch

 

Nota : la rédaction de cette page date un peu, les chars français ont depuis été la cible des spécialistes et passionnés qui ont réussi à en décortiquer encore plus précisément les unités, les ordres de bataille, les sigles (...)

On se référera en priorité aux sites internet qui leur sont maintenant destinés sur la toile, et aux publications qui leur ont été consacrées (revue GBM notamment).

 

http://www.kerfent.com