Souvenirs de combattants

 

Le sergent Gaston WEYRICH

 

Originaire de la Nièvre (environs de NEVERS), Monsieur WEYRICH se destinait à l'enseignement. Après avoir tenté le concours de l'Ecole Normale (pour devenir instituteur), il opte finalement pour l'Armée et s'engage en septembre 1935 comme 2e classe au 146e Régiment d'Infanterie de Forteresse (146e RIF) installé à la Caserne Barbot, à METZ. Il y fait ses classes et participe ensuite aux exercices menés sur la ligne Maginot dans le secteur fortifié de Faulquemont. On l'affecte dans un premier temps au petit ouvrage du MOTTENBERG (A33), puis à la casemate sud du Mottenberg.

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En 1937, il obtient le grade de caporal-chef et sera nommé pour un temps "gérant du mess des officiers" au camp de ZIMMING. Il effectue la même année une préparation au cours de spécialiste au camp de DENTING (casernement de sûreté du Ban Saint Jean). Cette préparation le mène ensuite durant quatre mois au camp militaire de BITCHE, où il reçoit l'instruction et la formation nécessaire au maniement des nombreux armements d'infanterie à disposition dans les ouvrages. Fin 1937, devenu "spécialiste", il revient au camp de Zimming et se trouve affecté au petit ouvrage du KERFENT (A34). C'est l'adjudant-chef CHAPEU qui le reçoit et lui fait la visite de ce qui restera jusqu'au bout son ouvrage. Le temps se déroule ensuite avec pour objectif principal l'instruction des appelés qui servent dans l'ouvrage, la vie militaire oscille alors entre le camp de Zimming et les heures de service au Kerfent.

Gaston Weyrich en uniforme du 146e RIF "mis à disposition par le photographe".

Le caporal chef Gaston Weyrich porte la vareuse "à col aiglon" mise à disposition par de photographe, les pattes de collet du 146e RIF sont bien visibles, de même que le 1er modèle d'insigne en métal du régiment, porté sur la fouragère aux couleurs de la croix de guerre (jaune et liserés verts). L'insigne rond ON NE PASSE PAS devrait se trouver à droite et non sur la gauche, mais cette pratique était courante chez le photographe...

 

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La déclaration de guerre en septembre 1939 ne change pas son poste: il reste à l'ouvrage du Kerfent et se trouve plus particulièrement affecté à la chambre de tir du bloc3 (responsable du créneau JM/47mmAC) avec quelques hommes. Obtenant un galon de plus au début de 1940, le sergent Gaston WEYRICH restera jusqu'au bout au Kerfent et vivra les péripéties de l'avancée de l'Armée allemande. Il sera impliqué directement dans plusieurs épisodes de la défense du Kerfent:

1)

Vers le 18 juin 1940, des observateurs signalent qu'un véhicule de reconnaissance allemand (une chenillette "blindée"??) "fonce" sur la route nationale 3, et s'apprête à entrer dans le champ de tir du Bloc3 du Kerfent et du Bloc3 du Bambesch (la route passe entre les deux ouvrages mais est vérouillée par une barrière de rails). Alerte ! tout le monde bondit à son poste et le canon de 47mm anti-chars est prêt à faire feu. Le sergent Weyrich ajuste quelques coups de 47mm, imité par les jumelages de mitrailleuses et les FM qui se déchainent eux aussi contre l'intrus sur lequel des balles ricochent. Ce dernier n'insiste pas et amorce un prodigieux demi-tour avant de se replier par où il était apparu...

2)

Le 20 juin, lors de l'attaque du BAMBESCH, un obus arrivant "d'on ne sait trop où" percute la trémie du jumelage de mitrailleuses du créneau du sergent Weyrich. Tout se passe alors très vite: sous le choc la trémie est arrachée, le JM percute le canon de 47mm positionné derrière, sur son double-rail; une étincelle provoque un incident électrique qui aboutit, finalement, à l'explosion d'un stock d'obus de 47mmAC stockés là ! Devant la soudaineté de l'action, le personnel présent dans la chambre de tir a précipitament évacué l'endroit (par chance avant l'explosion), et n'a pu constater les dégâts qu'après ces "évènements". On prévient le PC et le lieutenant GANGLOFF (officier en second) vient constater les dégâts: si le "choc" initial a démoli le premier JM et endommagé le canon de 47mmAC, l'explosion elle, a endommagé le second JM (installé au deuxième créneau). La chambre de tir est devenue totalement "inutile" (plus une seule arme en état) . Le canon de 47mm est quand même mis dans le créneau pour bloquer l'ouverture, et l'adjudant PRIVAT (chef du service electro-mécanique) monte dans le bloc avec du matériel pour "souder" quelques plaques de tôle afin de renforcer le tout...

3)

Le lendemain matin, 21 juin 1940, les Allemands attaquent le Kerfent. Deux canons de 88 FLAK tirent à vue sur le Kerfent qui n'a plus grand chose à leur opposer (l'unique obus reçu la veille y est pour beaucoup). Si le bloc3 est d'ailleurs déjà vidé de la plupart de son personnel, le sergent Weyrich lui, est allé de son propre chef aider les soldats WALRAF et BRUNNER qui servent la cloche GFM "nord" du bloc. La seconde cloche (GFM sud) est rapidement réduite au silence par les tirs de 88, il ne reste bientôt pour la défense du bloc que cette cloche nord, mais dont l'emplacement ne permet pas le tir direct au fusil-mitrailleur sur l'assaillant. Les deux servants laissent donc la place au sergent Weyrich, qui a récupéré l'unique mortier lance grenade de 50mm du bloc et qui sait s'en servir... il envoie bientôt un peu au hasard (car il ne voit pas l'assaillant) une série de grenades aux alentours du bloc3, en visant particulièrement les abords de l'élément de tranchée qui serpente du fossé diamant jusqu'au bois situé derrière l'ouvrage, et d'où l'infanterie ennemie progresse. Au bout d'un certain moment, un obus allemand vient percuter la cloche GFM et ricoche contre le tube du mortier lance grenade en batterie: sous le choc, l'arme pivote violemment et la culasse heurte la mâchoire du sergent qui est forcé d'évacuer la cloche, avec deux dents en moins...

Qu'en est-il au bas de la cloche ? il retrouve ses deux acolytes WALRAF et BRUNNER, qui lui passaient jusque là les petits obus de 50mm. A cet étage supérieur du bloc3 il n'y avait plus personne (chambre de tir évacuée la veille, cloche GFM "sud" évacuée en début de journée); ils descendent donc à l'étage inférieur pour informer le sergent chef BARA (chef du bloc3) de l'évolution des combats. Surprise: l'étage inférieur est vide ! le personnel des transmissions et les autres, ont disparu. "Nous ne savions pas que Bara et les autres avaient décidé d'évacuer le bloc3, ils ne nous avaient en tous cas pas prévenus. Le bloc tremblait sous les explosions, il n'y avait plus rien à faire et j'étais blessé. Avant de rejoindre la galerie, j'ai pris ma musette qui était restée dans la petite chambrée de l'étage inférieur et nous sommes descendus. Il a fallu ensuite se faire reconnaître des copains qui attendaient derrière la porte blindée, avec leur fusil-mitrailleur. On nous a ouvert et je suis allé directement à l'infirmerie. Ca s'est passé très vite, soudain on nous a dit qu'on allait se rendre, et on a vu les Allemands arriver dans les galeries".

Le Kerfent se rendait.

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L'équipage du Kerfent a été regroupé dehors, puis la colonne est partie à pied jusqu'à Faulquemont, Saint Avold (le lendemain), puis Forbach et Sarrebrück. De Sarrebrück on les a ensuite transporté en train jusqu'à TREVES (Trier), où avec de nombreux autres prisonniers de guerre français ils sont restés au moins 6 mois.

Une partie a ensuite été emmenée à GEMINDEN, puis la période de captivité s'est déroulée à SCHWARZENWERDEN, BUBERN, et REICH (où ils ont été libérés par les forces américaines vers le 15-16 mars 1945).

Après quelques jours pour se remettre, le sergent Gaston Weyrich profite d'un retour vers la France organisé par une unité de transport américaine. Les hommes ont voyagé en GMC ! Le 23 mars 1945, M. Weyrich était de retour chez lui, dans la Nièvre; il obtint alors une "permission de captivité" de 2 mois.

Camp de Bitche en 1937

Bons camarades du 146e RIF en formation au "cours de spécialistes" effectué au camp militaire de Bitche en 1937. Gaston Weyrich est le 2e à gauche. Le troisième personnage est le caporal Henri Lux, qui sera affecté aux casemates des Bambi! A noter le képi brodé du numéro du régiment 146, la bande de bras FAULQUEMONT portée à gauche sur la manche, et le galon en diagonale porté sur le bras, qui indique les SPECIALISTES (en armements...)

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Une autre guerre commençait en Extrême Orient.

Réincorporé fin 1945, le sergent major Weyrich est versé à la 389e compagnie de garde de prisonniers, stationnée à Nevers. Cette unité constituée par un régiment de Tirailleurs Marocains encadrait un certain nombre de prisonniers de guerre allemands. M.Weyrich passe alors un concours interne organisé par les Transmissions à l'école d'application de Montargis.

Fin 1947, muté au 807e GRET (Groupement Régional d'Etude des Transmissions) à DIJON, il devient adjudant et ce poste lui permet d'éviter le départ pour l'Indochine.

Il y sert jusqu'en 1955 au moment où la guerre d'Algérie débute. Les effectifs engagés dans ces opérations "de maintien de l'ordre" sont plus conséquents qu'en Indochine, il est à peu près impossible d'y couper cette fois: l'adjudant chef Weyrich part donc en 1957 pour le secteur de Tizi Ouzou (Algérie), détaché des Transmissions auprès de la 77e compagnie de Chasseurs Alpins pour une durée de 24 mois.

En 1963, il débute un second séjour en Algérie mais pour les derniers moments de la présence française: il est affecté à la zone portuaire de la base d'Alger et s'occupe des modalités de rapatriement des unités de Transmissions d'A.F.N vers la Métropole.

L'adjudant chef Gaston Weyrich restera dans les Transmissions jusqu'en 1969 pour débuter ensuite une carrière d'attaché administratif au service des autoroutes, jusqu'en 1980.

Observation de souvenirs du passé, avec le Webmestre !!

Observation de nombreux souvenirs du passé. Merci beaucoup à Monsieur Weyrich pour son accueil si sympathique !

Avec son épouse.

"c'est un peu comme si maintenant vous faisiez partie de l'équipage..." G. Weyrich

 

Témoignage du sergent Gaston WEYRICH - II/156e RIF

 

http://www.kerfent.com