Souvenirs de combattants

 

Le caporal chef Henri LUX

 

Engagé par devancement d'appel en octobre 1935 (1ère classe à faire 2 ans de service militaire) au 15e Régiment d'Infanterie Alpine (RIA) à la caserne Lapérouse, à ALBI dans le Tarn, j'y suis resté 1 an jusqu'en 1936.

Muté ensuite comme caporal chef au 4e bataillon du 81e RIA (IV/81e RIA) de NARBONNE dans l'Aude, j'y reste 1 an jusqu'en octobre 1937 où je suis démobilisé avec le grade de sergent de réserve.

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En février 1938, je m'engage avec le grade de caporal chef au 146e Régiment d'Infanterie de Forteresse (146e RIF), je suis affecté à la 1ère compagnie d'équipage d'ouvrage qui faisait partie du 2e bataillon (II/146e RIF).

A la déclaration de la guerre, mon bataillon sert de noyau à la création d'un nouveau régiment de forteresse, le 156e Régiment d'Infanterie de Forteresse (156e RIF), qui se trouve implanté sur le sous secteur du Steinbesch, occupé jusque là par le II/146e RIF du temps de paix.

Jusqu'en septembre 1939, je servais à la casemate d'instruction de BAMBI-NORD avec quelques appelés. J'y suis resté juqu'au 3 septembre, ou nous avons reçu nos affectations "de mobilisation", on m'apprenait que j'étais affecté à la casemate de BAMBI-SUD, notre voisine, située à quelques dizaines de mètres seulement.

Il s'agissait là d'une casemate cuirassée, dotée de 3 cloches blindées, de conception différente par rapport à celle dans laquelle je me trouvais avant (et qui était dotée, elle, d'une chambre de tir doté d'un canon anti-chars et de jumelages de mitrailleuses).

Je déplace donc mon équipement vers BAMBI-SUD, où je rencontre le caporal chef TAFANI (d'origine corse) et quelques appelés, nous sommes les seuls membres de l'équipage présents sur place et nous attendons les autres, qui eux proviennent de la Réserve et ne sont pas encore arrivés ...

Ne sont pas là notament le sous-lieutenant VIET, un instituteur qui se trouvait en vacances dans le sud de la France au moment de la mobilisation, et le sergent-chef SENAMAUD,qui était gérant du mess des sous-officiers au camp de Zimming et qui avait de ce fait, bénéficié d'un sursis provisoire dans la réorganisation.

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Le lieutenant VIET, pris dans les péripéties de la mobilisation, n'est arrivé à la casemate de BAMBI-SUD qu'à la fin du mois. Il n'y avait jusqu'à son arrivée pour l'encadrement des hommes que les deux caporaux chefs... je pris donc le commandement, étant le plus ancien en grade.

Un jour, le planton signale l'arrivée du général commandant le secteur fortifié (général Baudoin), et de ses adjoints, qui venaient à pied de la route après y avoir laissé leurs voitures. Nous mettons rapidement de l'ordre et je rectifie la tenue, puis je monte l'escalier et me présente face au général qui arrive. Il me demande alors de prévenir le chef de casemate de son arrivée. Je salue et je m'annonce donc: "c'est moi mon général, caporal chef Henri LUX, chef de casemate". Stupeur du visiteur qui devait s'attendre à rencontrer un officier ou un sous-officier supérieur...

Henri LUX retrouve la cloche pour jumelage de mitrailleuses qu'il servait à la casemate de BAMBI-SUD de septembre 1939 à mai 1940.

 

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La guerre se déroule loin de nous, et le temps passe. L'hiver est rude et la neige a recouvert tout le secteur fortifié. Je passe finalement sergent au début du mois de mai 1940, alors que les Allemands attaquent par la Belgique et le Luxembourg.

Avec cette prise de galon, on m'affecte à un ouvrage où on demandait un sergent: à la fin du mois de mai je me rend donc au petit ouvrage du BAMBESCH, où je suis affecté au Bloc3, au service des armes (un canon de 47mm anti-chars et des jumelages de mitrailleuses). Je vais y vivre les péripéties du repli de nos troupes d'intervalles (début juin) et l'abandon de nos casemates par la suite; nous nous préparions nous aussi à évacuer l'ouvrage après l'avoir saboté.

 

Mais le 17 juin, notre ouvrage est encerclé par les Allemands qui avaient eu le chemin libre, par suite du départ de nos unités et des casemates; et nous recevons l'ordre de tenir sur place.

Le 20, nous sommes attaqués violement (par de l'artillerie) et, le système de ventilation étant très endommagé, l'air commençait à se raréfier dans l'ouvrage. Les officiers prennent la décision de se rendre.

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Qui peut sortir pour parlementer ? dans l'équipage, 50% des hommes sont des frontaliers Lorrains; pourtant tous affirment soudainement au lieutenant PASTRE qu'ils ne parlent pas l'allemand !

C'est le sergent-chef de réserve REID qui s'est porté volontaire, et comme il ne pouvait pas y aller seul, j'ai décidé de l'accompagner. Nous sommes sortis tous les deux devant le bloc3, sans armes, et avons rencontré un groupe d'Allemands.

Après discussions, je suis gardé en otage pendant que Reid retourne dans le bloc pour prévenir le lieutenant Pastre que les hommes devaient monter à la surface et sortir pour se rendre.

Les hommes de l'équipage sont sortis un par un et à ce moment, on a remarqué que beaucoup avaient retrouvé la mémoire et parlaient maintenant allemand avec les vainqueurs.

 

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En fin de soirée, on nous a fait partir à pied jusqu'aux Charbonnages de Faulquemont, à 5km environ, pour y passer la nuit, mais après avoir tout laissé sur place. Nos officiers sont partis en voiture. Le lendemain, départ en colonne à pied pour Sarrebrück: 15km. Nous passons la nuit suivante à la prison de Sarrebrück.

Le jour suivant on a nous a embarqué dans un train à destination d'un camp de prisonniers en Prusse Orientale, à la frontière russe: le Stalag 1A.

 

Visite de Monsieur Henri LUX et de son épouse Paulette au PO du Bambesch - 1989

 

Témoignage du sergent Henri LUX - III/156e RIF

 

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